Le Fil | Du bon temps au Musée

Article paru dans le Fil le 13 juillet 2018 par Manon Plante


Quelques œuvres de la chargée d’enseignement Paryse Martin ont été choisies pour figurer dans l’exposition Fait main / Home made présentée au MNBAQ

Un vent de fraîcheur souffle cet été sur le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Colorée, ludique, éclatée et surtout anticonformiste, l’exposition Fait main / Hand made est inspirée de l’artisanat et des savoir-faire traditionnels. Revisités et magnifiés, des arts ancestraux comme la sculpture sur bois, la céramique, la courtepointe et la broderie y gagnent leurs lettres de noblesse. Réalisées par 38 artistes canadiens, la centaine d’œuvres étonnantes qui la composent, recèlent un certain germe de rébellion.

Parmi ces artistes, Paryse Martin, une rebelle dans l’âme, perçoit l’exposition comme une charmante insurrection. «Elle donne des dimensions plus actuelles au Musée, remarque-t-elle. Tous les artistes y montrent une forme de résistance au système. Pour ma part, j’aime la révolution. Je suis une punk!» Mettant à la fois en valeur un savoir-faire particulier, une pensée contestataire et un aspect ludique, trois œuvres de cette chargée d’enseignement à l’École d’art trouvent une place de choix parmi les fascinants objets exposés.

La pièce Le récit lacrymogène, créée en 2013, est inspirée du système narratif ouvert de Georges Perec. Photo: Renée Méthot

«Ces pièces représentent trois moments de ma vie», avoue l’artiste. La première œuvre, qui se trouve dans la section irrévérencieuse de l’exposition, date des années 1980. Sous le titre Modestes et mignons, une douzaine de phallus décorés de maints détails aux couleurs vives rappellent les arts de la couture, de la broderie ainsi que de la décoration en pâtisserie. «Il s’agissait d’une affirmation résolument féministe et, à l’époque, ma création a été censurée. Plusieurs n’appréciaient guère qu’une telle œuvre ait été réalisée par une toute jeune femme», indique Paryse Martin. Le titre fait référence au roman Modeste Mignon de Balzac, dans lequel une jeune fille doit choisir un mari parmi plusieurs prétendants, dont certains aux attraits brillants, somptueux et frivoles. Sur quel critère, superficiel ou non, s’appuiera la jeune fille? Voilà tout l’intérêt du roman. De la même façon, raconte Paryse Martin, les petits phallus, tout fleuris et enjolivés, cherchent à séduire par leurs apprêts.

La deuxième pièce, L’Univers chiffonné, est une partie de l’installation Manœuvres exquises, présentée en 2005. Dans cette installation, l’artiste s’intéressait à la mise en pratique de la pensée baroque en tant que réorganisation hétérogène d’un univers, lui-même chaotique. L’Univers chiffonné est inspiré du livre du même nom, écrit par l’astrophysicien français Jean-Pierre Luminet, qui porte sur la forme du Cosmos. «Cette œuvre, dit-elle, est ma réponse personnelle aux questions touchant à la forme de l’Univers. Celui-ci est-il fini ou infini? Plat ou circulaire? Lisse ou texturé? L’art, tout comme la science, peut participer à la recherche et à la création du savoir. Pour ma part, une partie de ma réponse est liée à la conception du temps.» En effet, Paryse Martin explique que cette pièce, créée à partir de petites bandelettes de carton pliées et repliées qui s’enroulent et se superposent, présente une surcharge de détails qui amène nécessairement un autre rapport au temps. «Dans notre société capitaliste, le temps est compté en termes d’argent. Toute dépense de temps doit être rentable. Or, je m’oppose à cette vision. Dans ma pièce, il y a tellement de pliures patiemment réalisées qu’on comprend que le temps engagé à réaliser cette œuvre n’a pas été compté. Mon œuvre est anticapitaliste, tout comme ma conception du monde», affirme-t-elle.

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